Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Jack London

votre vie, d’en porter souvent de pareils. Votre peau est délicate comme celle d’une dame. Du premier coup d’œil, j’ai jugé que vous étiez un gentleman.

Cet individu m’avait immédiatement déplu et, pendant qu’il m’aidait à m’habiller, cette répulsion croissait encore. Son contact avait quelque chose de répugnant.

Instinctivement, je m’écartai de lui ; c’était plus fort que moi. Les émanations des marmites placées sur le fourneau, et qui cuisaient à gros bouillons, ajoutaient à mes nausées. Aussi comprendra-t-on sans peine la hâte que j’avais de sortir à l’air pur. Il était en outre nécessaire que je voie sans tarder le capitaine, afin de m’entendre avec lui sur les mesures à prendre pour me débarquer.

Après mille excuses de n’avoir pas mieux à m’offrir, et de véhéments commentaires, le coq m’aida à passer, par-dessus le tricot, une chemise de coton bon marché, au col élimé, et dont le plastron était maculé, me sembla-t-il, d’anciennes taches de sang. Des espadrilles me chaussèrent les pieds. Une combinaison de toile bleue, toute déteinte, avec une jambe plus courte que l’autre de vingt-cinq centimètres au moins, me tint lieu de pantalon. On aurait dit que le diable avait, un jour, tenté d’agripper par là l’âme du coq, et que le morceau de tissu lui était resté dans les griffes.

Une casquette de voyou, un veston de coton rayé, tout crasseux, dont les manches me venaient

22