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JACK LONDON

s’égaillaient à la chasse aux phoques et souvent, alors, je restais seul sur la goélette, avec Loup Larsen. Je ne parle pas de Thomas Mugridge, qui ne comptait pas.

Les six canots se déployaient en éventail, à la poursuite de leur gibier, jusqu’à une distance de dix à vingt milles parfois, pour ne rejoindre le bord qu’à la fin de la journée, ou plus tôt, si le temps se gâtait. Mon rôle, et celui de Loup Larsen, consistaient à maintenir le Fantôme sous le vent de la petite flottille et à nous arranger à ne perdre de vue aucun canot.

C’était une tâche passablement ardue pour deux hommes seuls. Pour peu que le vent s’élève, ou tourne, il fallait à la fois tenir la barre et haler sur les manœuvres, pour donner de la toile ou en carguer. Tout ça était nouveau pour moi.

Je me familiarisai assez rapidement avec le maniement de la roue. Mais courir sur les vergues et m’y balancer à bout de bras, attraper au vol un cordage, puis grimper plus haut ou redescendre prestement sur le pont, offrait des difficultés plus sérieuses.

Je mis en jeu mon amour-propre, dans un ardent désir de me faire valoir aux yeux de Loup Larsen et de lui prouver mon droit à la vie. Si bien que je réussis plus vite que je n’aurais pensé. Bien mieux. Un moment arriva où ce fut pour moi un plaisir d’atteindre le faîte du grand mât et de scruter la mer à l’aide d’une jumelle, à la recherche de nos canots.

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