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LE LOUP DES MERS

s’enfoncèrent dans ses mains, et il lâcha prise, avec un cri de douleur.

Alors ils abandonnèrent la partie et laissèrent leur canot s’en aller à la dérive. Peu après, un autre, expédié de la grève par Loup Larsen, vint les rejoindre et les prendre en remorque, jusqu’au Fantôme.

Tard dans l’après-midi, nous levâmes l’ancre et nous éloignâmes. Nous n’avions plus devant nous que la seule perspective de trois à quatre mois de chasse, dans la zone phoquière où nous arrivions. Perspective peu réjouissante ! Ce fut le cœur gros que je repris mon travail.

Une atmosphère sinistre s’appesantissait sur le Fantôme. Loup Larsen s’était retiré dans sa cabine, en proie à un accès de ses étranges maux de tête. Harrison se tenait à la barre, l’air en apparence indifférent, s’appuyant à demi sur la roue du gouvernail, comme écrasé sous son propre poids.

Le reste de l’équipage était lugubre et silencieux. Je trouvai Kelly accroupi contre l’écoutille du poste d’avant, la tête sur ses genoux, et les bras autour de sa tête, dans une attitude d’inexprimable abattement.

Poussant plus loin, je découvris Johnson, étendu de tout son long sur le bec extrême de la proue ; il regardait fixement l’étrave baratter la mer écumeuse, et je me souvins, avec horreur, de l’ignoble suggestion de Loup Larsen.

Ses paroles semblaient commencer à porter leurs

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