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JACK LONDON

passé par-dessus bord, le crâne ouvert. Le second, en outre, manquait.

Le poste d’avant, construit directement à la proue de la goélette, en épousait la forme triangulaire. Sur deux des côtés, les couchettes étaient alignées, en deux rangées superposées. Il y en avait douze, au total, dans cet espace étroit, où douze hommes s’entassaient, pour y manger, dormir et remplir toutes les fonctions de la vie.

Ma chambre à coucher, à San Francisco, qui n’était pas d’une grandeur exagérée, aurait pu facilement contenir une demi-douzaine de pièces semblables. Et, si on tenait compte de la hauteur comparée du plafond, on en aurait casé le double. Ça sentait le sur et le moisi, et, à la lueur confuse de la lampe, je distinguais, du bas de l’échelle, des bottes de mer, des cirés et des vêtements de toutes sortes, pendus à la cloison, entre les couchettes.

À chaque coup de roulis, toutes ces frusques se balançaient, en avant, puis en arrière, avec un bruit pareil à celui de branches d’arbres frôlant, sous le vent, un toit ou un mur. Parfois, une paire de bottes frappait plus pesamment le panneau, à coups irréguliers. Et, malgré la nuit calme, c’était un concert, incessant et sourd, de craquements du bois et de la membrure de la goélette, auquel se mêlaient, en dessous de nous, des clapotis et des rumeurs d’abîme.

Tout le monde dormait, ou faisait semblant,