Page:London - Le Loup des mers, 1974.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
JACK LONDON

métaphores en usage chez les gens du monde.

Seul de mon espèce, au milieu de l’équipage, je n’avais, pour l’instant, de querelle avec personne et j’étais dans les bonnes grâces de tous.

Les chasseurs de phoques me toléraient, plus qu’ils ne m’aimaient. Sauf Smoke et Henderson, dont j’étais chargé de panser les blessures. Comme je faisais de mon mieux pour les remettre sur pied, ils m’en étaient sincèrement reconnaissants.

Une tente avait été tendue pour eux, sur le pont, et ils s’y balançaient, jour et nuit, dans leurs hamacs.

Ils ne manquaient aucune occasion de m’affirmer que je m’acquittais de ma tâche mieux que ne l’aurait fait une infirmière diplômée, et que, la croisière terminée, ils ne m’oublieraient pas, quand ils toucheraient leur paie. Comme si j’attendais une récompense, moi qui avais, une fois revenu à terre, les moyens de les acheter vingt fois, eux et leurs frusques, et la goélette par-dessus le marché.

Loup Larsen subit une seconde attaque de ses terribles douleurs de tête ; elle dura deux jours. Il m’appela à son secours et, docile comme un enfant, suivit à la lettre toutes mes prescriptions. J’obtins même qu’il cesse de fumer et de boire son whisky.

Il n’en résulta pour lui, d’ailleurs, aucun soulagement et ce fut à mon tour de m’interroger sur les intolérables souffrances d’un si bel animal.

168