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LE LOUP DES MERS

lade, quand je le vis qui recommençait, péniblement, à grimper dans la mâture ou à s’incliner, d’un air épuisé, sur la roue du gouvernail.

Le plus triste était que son courage semblait brisé comme lui. Il se montrait d’une servilité ignoble devant Loup Larsen et aurait léché les pieds du second.

Il n’en était pas de même de Leach. Il allait et venait sur le pont, avec l’allure d’un petit tigre et, dans ses yeux, brillait une lueur haineuse, qu’il ne se donnait même pas la peine de dissimuler, à l’adresse de Johansen et de Loup Larsen.

Une nuit, j’entendis, dans l’obscurité, Leach dire à Johansen :

— Fais-moi confiance, sale pied-plat ! Tu ne perds rien pour attendre, je te réglerai ton compte.

Le second ripostait, sur le même ton, et, l’instant d’après, j’entendis un projectile siffler à travers les ténèbres, puis venir frapper, d’un coup sec, le capot de la cuisine.

Il y eut un redoublement d’injures et un éclat de rire moqueur. Puis le silence retomba. Je me glissai sur le pont et trouvai un énorme coutelas, planté dans le bois dur du capot.

Quelques minutes après, j’entendis le second qui revenait, en tâtonnant, chercher le couteau. Il appartenait à Leach, à qui je le restituai subrepticement le lendemain. Il m’adressa une simple grimace en guise de remerciement. Mais il y avait en elle plus de gratitude que dans toutes les

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