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JACK LONDON

et balança d’avant en arrière sa main.) C’est comme un fait exprès ! Toutes les tuiles me tombent dessus ! Et moi qui me donne tant de mal dans la vie pour ne causer de tort à personne !

Les larmes coulaient sur ses joues enflées et décolorées, et la souffrance contractait ses traits.

Puis une impression sauvage apparut sur son visage.

— Je le hais ! s’écria-t-il. Je le hais !

— Qui ça ? demandai-je.

Mais, sans répondre, le misérable continua à pleurer sur ses infortunes. Et il était plus facile de deviner qui il haïssait, que de savoir qui il ne haïssait pas.

Une grande pitié s’empara de moi. Un démon intérieur, dont il était victime, ne le poussait-il pas à détester ainsi l’univers ? Sans doute se haïssait-il lui-même pour tout ce que la vie lui avait réservé de souffrances et de misères.

Et je pensai, en rougissant de ma dureté de cœur envers lui, que l’existence, depuis qu’il était au monde, n’avait pas dû l’épargner. Tout d’abord, elle s’était montrée cruelle en façonnant sa bobine grotesque, et sans doute n’avait-elle pas cessé de lui jouer mille tours pendables. Était-ce vraiment sa faute s’il était devenu tel que je le voyais aujourd’hui ?

Comme s’il répondait à ma pensée, Thomas Mugridge gémissait :

— Non ! J’ai jamais eu de chance. Quand j’étais

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