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JACK LONDON

Le sang, qui lui jaillissait du nez comme un ruisseau écarlate, se mit à couler sur le pied du matelot. Mais Louis continua flegmatiquement sa besogne, sans quitter des yeux l’habitacle.

À l’étonnement de tous, la conduite de George Leach fut différente. De sa propre initiative, il alla vers Johnson, le traîna à l’avant du navire et, de son mieux, se mit à panser ses plaies.

Quant à Johnson, il était méconnaissable. Ses traits, décolorés et bouffis, n’avaient plus rien d’humain.

Lorsque j’eus achevé de remettre de l’ordre dans la cabine qui avait été le théâtre du drame, je me hâtai de remonter sur le pont pour respirer un peu d’air frais et retrouver un peu de calme.

Leach avait terminé ses pansements. Loup Larsen fumait son éternel cigare, en examinant le loch remorqué par le Fantôme, et qui avait été halé à bord.

Soudain, la voix de Leach parvint à mes oreilles, rauque et irritée d’une rage qu’il ne pouvait contenir. Je me retournai, et vis l’ancien mousse à l’arrière, face à Loup Larsen. Son visage était pâle et tout convulsé, ses yeux flamboyants, et il tenait levés ses poings crispés au-dessus de sa tête.

— Que Dieu te damne, Loup Larsen, et te précipite en enfer ! Mais l’enfer est encore trop bon pour toi, espèce de lâche, assassin, triple fumier !

C’était le salut qu’il adressait au capitaine.

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