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JACK LONDON

Je les récitai successivement à Loup Larsen, qui s’enthousiasma. Il me les fit répéter jusqu’à ce que, à son tour, il les sût par cœur et les déclamât avec une flamme dont je fus impressionné. Il me semblait, en l’écoutant, que jamais je n’avais aussi bien compris les vers du célèbre poète persan.

Je fus curieux de savoir quel était son quatrain préféré et le lui demandai. Sans hésiter, il fonça sur celui qui, composé dans un instant de mauvaise humeur, tranche avec l’aimable philosophie et le joyeux code de vie de l’ensemble du recueil :

Qui t’a sur la terre appelé ?
Et, quand tu mourras, où t’en iras-tu ?
Que de coupes de vin seront nécessaires,
Pour te faire oublier la mort insolente !

— Superbe ! s’écria Loup Larsen, quand il eut terminé. … la mort insolente ! Impossible de trouver une expression plus juste.

« C’est bien dans la nature humaine ! La vie, à l’idée qu’elle doit cesser de vivre, se révoltera toujours. C’est naturel. Omar Khayyam est d’accord sur ce point, avec l’Ecclésiaste. La vie et ses œuvres ne sont que tourment et vanité.

« Bien sûr, la vie est une chose terrible. Mais la mort, qui met fin à ce tourment et à cette vanité, est plus mauvaise encore. Là-dessus, nous sommes pleinement d’accord, l’Ecclésiaste, Khayyam, moi et vous…

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