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Le Loup des mers

autre individu qui semblait avoir pour unique occupation de fumer un cigare.

Je distinguai la fumée qui s’échappait de ses lèvres ; d’un geste machinal, il tourna la tête dans ma direction, et promena son regard sur l’eau. Cet acte, chez lui, n’était pas prémédité. Il était dû à un simple hasard. L’homme était oisif et il cherchait inconsciemment à s’occuper l’esprit en contemplant la mer.

Pour moi, la vie et la mort étaient dans ce regard. Le brouillard s’apprêtait à absorber le navire et je ne voyais plus que le dos du timonier.

Mais le regard, s’étant abaissé sur l’eau, vint se poser sur moi. Il me rencontra et ne se détourna pas. Nos yeux, au contraire, se croisèrent.

Instantanément, l’homme cria un ordre, puis bondit à la roue du gouvernail, qu’il manœuvra. Le bateau vira lentement sur lui-même, mais, emporté par son élan, s’effaça dans la brume.

J’étais à bout et me sentais glisser dans une totale inconscience, lorsque je perçus des coups d’aviron qui s’approchaient de moi, et des appels que je supposai m’être adressés.

J’entendis ensuite une voix bourrue, qui me criait de plus près :

— Bon sang ! Pourquoi ne répondez-vous pas ?

Alors je tournai de l’œil et m’évanouis dans les ténèbres.