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JACK LONDON

fermera les yeux et se portera garant, devant la justice, des histoires les plus funambulesques. Car il s’en fiche. Mais, bon sang ! qu’ils attendent encore un peu !

Ce cynisme à froid fait impression, à n’en pas douter, sur les chasseurs de phoques. Si méchants et dénués de sens moral que soient ces hommes, ils ont trouvé leur maître, qui est pire qu’eux, et ils le redoutent.

Thomas Mugridge rampe devant moi comme un chien couchant, mais je ne suis moi-même qu’à demi rassuré devant cette attitude. Il craint visiblement que je ne lui règle son compte, et cette crainte exaspérée peut fort bien, en dépit de sa lâcheté, le pousser à prendre les devants et à me tuer.

Mon genou, décidément, va beaucoup mieux, j’en souffre pourtant encore par moments. La raideur disparaît aussi, peu à peu, du bras que Loup Larsen m’a si cruellement étreint.

Par ailleurs, mon état physique est en pleine transformation. Mes muscles prennent de la force et augmentent de volume. Ce qui me désole, ce sont mes mains, qui sont dans un état lamentable. Complètement déformées, elles ressemblent à de la viande bouillie.

Mes ongles sont cassés, décolorés et entourés, à leur base, d’une frange d’envies. À leur sommet, des bourrelets de chair les recouvrent à vif. Je souffre aussi de clous qui me poussent sur tout le corps, et que j’attribue au régime échauffant du

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