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LE LOUP DES MERS

On nous aperçut du dehors. La nouvelle fit le tour du bateau et la moitié de l’équipage se pressait bientôt à la porte de la cuisine.

Encouragements et avis s’offraient gratuitement. Jock Horner, le chasseur de phoques, au parler si doux et qui n’aurait pas fait de mal à une mouche, me conseilla de ne pas m’attaquer aux côtes, car la lame pouvait dévier. Il était préférable d’enfoncer l’acier de bas en haut, dans le ventre, sans oublier, au cours de cette opération, ce qu’on appelait la « tortillade espagnole ».

Leach, tout en me montrant son bras entouré d’un bandage, me supplia de le laisser achever le coq, et Loup Larsen s’arrêta, une ou deux fois, afin de jeter un regard curieux sur ce qui devait être pour lui une fermentation plus prononcée de la levure qu’il appelait la vie.

Je me permettrai d’ajouter qu’en cet instant je ne trouvais pas, moi non plus, que la vie fût quelque chose de divin et de bien propre. Il n’y avait là que deux atomes, peu ragoûtants, habités par une pareille lâcheté, acharnés à aiguiser, sur un caillou, un bout d’acier. Et l’autre groupe d’atomes qui regardait était tout aussi lâche.

La plupart de ces gens, j’en étais sûr, étaient avides de voir couler mon sang et celui du coq. Belle occasion de se divertir un peu ! Pas un d’entre eux n’interviendrait, même si le duel devenait mortel.

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