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JACK LONDON

— Mais vous arrangez les choses à votre manière, il y a la question de droit.

Loup Larsen fit une vilaine moue.

— Nous y voilà revenus ! Vous vous obstinez à croire au bien et au mal.

— Sincèrement, vous n’y croyez pas ?

— Pas le moins du monde ! Il n’y a qu’un droit, je le répète, celui de la force. Le faible a tort, uniquement parce qu’il est faible. C’est tant pis pour lui. Il est bon et profitable d’être fort. J’ai cet argent dans ma poche et ça me fait plaisir. Pourquoi me priverais-je de cet agrément quand rien ne m’y oblige ?

Je protestai :

— L’homme, digne de ce nom, doit considérer non seulement son propre intérêt et son propre plaisir, mais, à parties égales, l’intérêt et le plaisir de son semblable. C’est ce qu’en philosophie on nomme l’altruisme.

— Vous voulez dire : aider les gens ?

De la part d’un homme qui s’était cultivé tout seul, avait beaucoup réfléchi sans avoir l’occasion de discuter souvent, rien d’étonnant à ce qu’il ne sût pas la signification de ce mot.

— Un acte d’altruisme est un acte accompli pour le bien d’un autre, l’altruiste est le contraire de l’égoïste, qui ne songe qu’à soi-même, expliquai-je.

— Oui, oui, je me souviens d’avoir lu quelque chose de semblable dans Spencer.

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