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que sur la côte, je buvais davantage et j’acquis plus d’expérience. À quantité égale, je tenais tête à quiconque ; souvent même j’en prenais plus que ma part, pour démontrer ma virilité.

Un matin, on dégagea ma carcasse inconsciente de l’enchevêtrement de filets étendus à sécher, parmi lesquels je m’étais stupidement et aveuglément empêtré à quatre pattes la nuit précédente. Lorsque j’entendis les gens de la côte en parler en s’esclaffant devant leurs verres, j’éprouvai une vraie fierté de cet exploit.

Il m’arriva de ne pas me dégriser pendant trois semaines de suite. Cette fois-là, je crus bien avoir atteint le pinacle. Sûrement, dans cette direction, on ne pouvait aller plus loin. Le temps était venu pour moi de bifurquer. Ivre ou non, j’entendais toujours, au plus profond de ma conscience, une voix murmurer que ces orgies et ces aventures de la Baie ne représentaient pas toute la vie. Cette voix décida heureusement de mon destin.

J’étais ainsi constitué que je pouvais l’entendre m appeler, m’appeler sans cesse vers les pays lointains du monde. Chez moi, ce n’était pas superstition, mais curiosité, désir de savoir, perpétuel tourment de chercher les choses merveilleuses qu’il me semblait avoir devinées ou entrevues. Qu’était la vie, me demandais-je, si elle n’avait rien de plus à m’offrir ? Non. Il y avait autre chose, là-bas, et plus loin encore ! Si l’on veut bien comprendre de quelle manière je devins, beaucoup plus tard, le buveur que je suis actuellement, il faut tenir compte de cet appel, de cette promesse de choses cachées au fond de la vie, car cette voix devait jouer un