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allure vers la rive nord. Une grosse dame-jeanne à l’arrière expliquait le motif de sa course. Ces hommes ne pouvaient différer d’un instant leur hâte à fêter les cinquante dollars si facilement gagnés.

Ainsi procèdent les fidèles de John Barleycorn. Quand la fortune leur sourit, ils boivent. Si elle les boude, ils boivent dans l’espoir d’un de ses retours. Est-elle adverse ? Ils boivent pour l’oublier. Ils boivent dès qu’ils rencontrent un ami, de même s’ils se querellent avec lui ou perdent son affection. Sont-ils heureux en amour, ils désirent boire pour augmenter leur bonheur. Trahis par leur belle, ils boiront encore pour noyer leur chagrin. Désœuvrés, ils prennent un verre, persuadés qu’en augmentant suffisamment la dose, les idées se mettront à grouiller dans leur cervelle, et ils ne sauront plus où donner de la tête. Dégrisés, ils veulent boire ; ivres, ils n’en ont jamais assez.

On ne manqua pas de nous convier à la beuverie, Scotty et moi, les inséparables du port. Nous contribuâmes à agrandir le trou pratiqué dans ces cinquantes dollars, que personne n’avait encore touchés. Cet après-midi d’un dimanche tout ce qu’il y a de plus ordinaire devint une orgie somptueuse. Tout le monde parlait, chantait, déclamait et se glorifiait à la fois. Et sans cesse Frank-le-Français et Nelson faisaient circuler les verres.

Nous étions en pleine vue du port d’Oakland, et notre vacarme attira des amis. Les canots, l’un après l’autre, traversaient l’estuaire et abordaient sur le banc de sable. Le rôle le plus ardu