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gaspillés au comptoir ne pouvaient me procurer la même joie que ces vingt-cinq cents dépensés chez un confiseur.

À mesure que je m’adonnais à l’alcool, je me confirmais dans l’opinion que les minutes les plus brillantes de la vie survenaient immanquablement au cours de ces débauches. Les saouleries restaient toujours mémorables. Elles provoquaient des événements extraordinaires. Des hommes tels que Joe l’Oie s’en servaient comme points de repère pour marquer leur existence. Tous les caboteurs attendaient avec impatience leur noce du samedi. Nous autres, pilleurs d’huîtres, nous ne commencions vraiment notre bordée qu’une fois nos marchandises vendues ; cependant quelques verres glanés ça et là, et la rencontre fortuite d’un ami, précipitaient parfois la cuite.

Aussi bien, ces cuites inattendues étaient les meilleures, car elles provoquaient des incidents plus bizarres et plus captivants encore, témoin ce dimanche où Nelson, Frank-le-Français et le capitaine Spink dépossédèrent Whisky Bob et Nicky-le-Grec d’un canot pour la pêche au saumon qu’eux-mêmes avaient volé. Des changements s’étaient produits dans les équipages de pilleurs d’huîtres. Nelson s’était battu avec Bill Relley à bord de l’Annie et avait reçu une balle dans la main gauche ; il s’était également querellé avec Le Peigne et avait rompu leur association. Le bras en écharpe, il avait mis le Reindeer à la voile en compagnie de deux marins de haute mer. Ceux-ci furent tellement épouvantés par ses frénésies qu’ils ne tardèrent pas à le lâcher. Une fois à terre, ils répandirent sur sa