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d’hôte, je ne pouvais offrir l’hospitalité que sous la forme admise par mes invités. Je dépêchais l’Araignée, l’Irlandais ou Scotty, ou celui qui composait mon équipage du moment, avec le bidon pour la bière ou la dame-jeanne pour le vin rouge.

Il arrivait aussi, par certains jours embrumés, quand je me trouvais à quai en train de vendre mes huîtres, que d’énormes policemen ou des mouchards en civil montaient à bord du Razzle-Dazzle. Comme nous vivions dans la crainte constante des policiers, nous nous empressions d’ouvrir les huîtres pour les offrir aux intrus avec un jet de sauce au poivre, et nous envoyions quelqu’un remplir notre cruche de bière ou chercher du tord-boyaux en bouteilles.

J’avais beau lever le coude, je ne parvenais pas à aimer John Barleycorn. Et je prisais fort les gens avec qui il frayait, mais je détestais son goût particulier. Pendant toute cette époque, je m’efforçais de paraître un homme parmi les hommes, tout en caressant le désir inavouable de sucer des sucreries. Je serais mort plutôt que de le laisser deviner. Les nuits où je savais que mon équipage allait dormir en ville, je m’octroyais une vraie débauche. Je filais jusqu’à la bibliothèque gratuite, j’échangeais mes livres, j’achetais pour 25 cents de bonbons de toutes sortes qui se mâchaient et duraient dans la bouche, puis de retour à bord du Razzle-Dazzle, je m’enfermais dans ma cabine. Je me couchais et restais étendu de longues heures béates à lire, et à mastiquer mes friandises. Et c’étaient les seuls moments où j’avais conscience d’en avoir pour mon argent. Des dollars et des dollars