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négligemment, comme au hasard d’une idée soudaine. Je suis persuadé à présent que John Heinhold, de tous les individus réunis là, fut le seul à deviner que j’étais un novice au comptoir.

J’entendis l’Araignée demander confidentiellement à Johnny :

— Où a-t-il pris cette cuite ?

— Oh ! il a siroté ici tout l’après-midi, avec Nelson, répondit Johnny.

Je feignis de ne pas avoir entendu ces paroles, mais quelle fierté j’éprouvais ! Eh bien, oui ! Même le patron ajoutait à ma réputation d’homme. Il a siroté ici tout l’après-midi, avec Nelson. Mots magiques ! L’accolade donnée par un bistrot avec le verre en main !

Je me rappelai que Frank-le-Français avait régalé Johnny le jour de l’achat du Razzle-Dazzle. Les verres étaient remplis et nous nous préparions à boire.

— Sers-toi aussi, Johnny, dis-je avec l’air d’avoir jusque-là différé mon intention, trop absorbé que j’étais par ma conversation intéressante avec le Peigne et Pat.

Johnny me jeta un coup d’œil vif et pénétrant. Il devinait, j’en suis sûr, les pas de géant que je faisais dans mon éducation. Il prit la bouteille de whisky qu’il mettait de côté pour lui et s’en versa. Ce geste réveilla pour une seconde mes sentiments d’épargne. Il s’était offert une consommation de dix cents alors que tous nous en buvions à cinq cents ! Mais je repoussai immédiatement ce malaise, tant il me parut mesquin à la lueur de mes nouvelles conceptions, et je ne me trahis pas.

— Le mieux est de porter tout ça sur ton