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J’étais déjà pas mal éméché, et je ne ressentis guère cette extravagance. En outre je m’instruisais. La quantité était d’importance secondaire : à un moment donné la bière ne comptait plus du tout, seul subsistait l’esprit de cordialité. Autre chose : moi aussi, je pouvais commander des petits verres et diminuer de deux tiers la détestable cargaison que m’imposait l’amitié.

— J’ai dû aller à bord chercher de l’argent, observai-je, mine de rien, tandis que nous buvions, espérant que Nelson accepterait cette excuse de l’avoir mis à contribution six fois de suite tout à l’heure.

— Ce n’était pas la peine, répondit-il. Johnny a confiance dans un type comme toi. Pas vrai, Johnny ?

— Parbleu ! acquiesça Johnny, avec un sourire.

— À propos, où en est arrêté ton compte avec moi ? demanda Nelson,

Johnny sortit un livre placé derrière le comptoir, trouva la page réservée à Nelson et ajouta quelques dollars au débit. Aussitôt naquit en moi l’envie d’avoir une page dans ce livre. Cela me semblait presque la suprême confirmation de la virilité.

Après deux autres tournées, que j’insistai pour régler, Nelson donna le signal du départ, Nous nous séparâmes en vrais copains. Je redescendis d’un pas incertain le quai, jusqu’au Ravde-Dazzle, L’Araignée était en train de préparer le feu pour le dîner.

— Qu’est-ce que tu tiens ! Où as-tu été ? ricana-t-il en me regardant à travers le capot entrouvert.