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Français. Mieux encore : Nelson venait de dépenser soixante cents de bière, rien que pour nous deux.

Que choisir ? Je saisissais la gravité de la décision que j’allais prendre. J’avais à opter entre l’argent et les hommes, entre la ladrerie et le romanesque. De deux choses l’une : ou bien jeter par-dessus bord toutes mes vieilles conceptions sur la valeur de l’argent et le dépenser sans compter, ou alors renoncer à la camaraderie de ces joyeux drilles qu’un caprice singulier attirait vers les boissons fortes.

Je rebroussai chemin jusqu’à la Dernière Chance, et je vis Nelson, toujours sur le pas de la porte.

— Allons prendre une bière, lui dis-je.

De nouveau, nous nous trouvâmes devant le comptoir. Nous nous mîmes à boire et la conversation reprit. Cette fois, ce fut moi qui payai dix cents ! Dix cents ! Une heure entière de mon labeur à la machine pour une boisson que je ne désirais nullement et dont le goût me parut immonde !

Après tout ce n’était pas difficile. J’avais réalisé un concept. L’argent ne comptait plus : seule importait la camaraderie.

— On remet ça ? demandai-je.

Nous en avalâmes une deuxième et je payai. Avec la sagesse d’un buveur expérimenté, Nelson dit au tenancier :

— Un petit pour moi, Johnny.

Johnny acquiesça de la tête et lui servit un verre qui contenait seulement le tiers de ceux que nous avions bus. Pourtant j’eus à payer le même prix : cinq cents !