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dans la grande société libre des hommes. Tous les chemins menaient au bar. C’est là que convergeaient les mille routes romanesques de l’aventure et c’est là qu’elles divergeaient vers les points cardinaux.

— En résumé, dis-je en terminant mon prône, c’est l’accessibilité de l’alcool qui m’en a donné le goût. Je me fichais pas mal de cette drogue ! J’en riais même. Et pourtant me voici, enfin, possédé du désir de boire : il lui a fallu vingt ans pour s’enraciner chez moi ; et pendant les dix années suivantes, ce désir n’a fait que croître. Mais sa satisfaction a sur moi un effet désastreux. De tempérament, j’ai le cœur sain et l’esprit enjoué. Cependant, quand je me promène en compagnie de John Barleycorn, je souffre toutes les tortures du pessimisme intellectuel

« Et pourtant, m’empressai-je d’ajouter (je m’empresse toujours d’ajouter quelque chose), il faut rendre son dû à John Barleycorn. Il dit crûment la vérité, et c’est là le malheur. Les prétendues vérités de la vie sont fausses. Elles sont des mensonges essentiels qui la rendent possible, et John Barleycorn leur inflige son démenti.

— Qui n’est pas en faveur de la vie, dit Charmian.

— Très juste, répondis-je. C’est ça le pire, bon Dieu ! John Barleycorn travaille pour la mort. C’est pourquoi j’ai voté aujourd’hui en faveur de la réforme. J’ai jeté un regard rétrospectif sur ma vie et découvert que la facilité de me procurer de l’alcool m’en avait donné le goût. Vois-tu, il naît comparativement peu d’alcooliques dans une génération. Par alcooliques, j’entends ceux