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Quel type, ce Nelson ! Un jour qu’il passait devant le cabaret de la Dernière Chance, il m’adressa la parole. Mon orgueil ne connut plus de bornes. Mais imaginez un peu ma fierté lorsqu’il m’invita spontanément à y entrer pour prendre quelque chose.

Devant le comptoir, je bus un verre de bière avec lui, et lui parlai, comme un homme, d’huîtres, de bateaux et de la mystérieuse décharge de gros plomb à travers la grand-voile de l’Annie. Nous continuâmes à bavarder. Il me parut étrange de nous attarder ainsi après avoir absorbé notre bière. Était-ce à moi de faire le premier geste pour sortir, alors que le grand Nelson préférait s’accouder au comptoir ? À ma grande surprise, il m’offrit, quelques minutes après, une nouvelle consommation, que j’acceptai. Nous parlions toujours et Nelson ne semblait pas le moins du monde disposé à quitter le bar.

Permettez que j’explique ma manière de raisonner dans mon innocence. Avant tout, je me sentais très fier en compagnie de Nelson, le personnage le plus héroïque parmi les pilleurs d’huîtres et les aventuriers de la Baie. Malheureusement pour mon estomac et mes muqueuses, Nelson, pensais-je, avait une bizarrerie de nature qui le rendait heureux de m’offrir de la bière. Je n’éprouvais aucune aversion morale contre cette boisson. Était-ce une raison parce que je n’en aimais ni le goût ni la lourdeur pour me priver d’une compagnie honorable ? Il lui plaisait de boire de la bière et de m’en voir faire autant. Parfait. Je supporterais ce désagrément passager.

Nous continuâmes donc de bavarder au comptoir et d’absorber la bière commandée et