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Il voulait bien vendre, mais c’était dimanche et cet après-midi-là il recevait des invités. Le lendemain, me dit-il, il rédigerait l’acte de vente et je pourrais entrer en possession. Entre-temps, il me pria de descendre pour me présenter à ses amis : je vis là deux sœurs, Mamie et Tess, une dame Hadley, qui les chaperonnait ; Whisky Bob, un jeune pilleur d’huîtres de seize ans, et Healey-l’Araignée, un rat de quai à favoris noirs, d’une vingtaine d’années.

Mamie, nièce de l’Araignée, et surnommée la Reine des Pilleurs d’huîtres, présidait parfois à leurs orgies. Frank-le-Français en était amoureux, mais je l’ignorais à ce moment-là. Et elle refusait obstinément de l’épouser.

Frank-le-Français versa un gobelet de vin rouge d’une énorme dame-jeanne pour sceller notre marché. Je me rappelai le vin rouge du ranch italien, et frémis intérieurement. Le whisky et la bière me répugnaient encore moins. Mais la Reine des Pilleurs d’Huîtres me regardait, un verre à demi-vide en main.

J’avais ma fierté. Moi, un homme — de quinze ans il est vrai — je pouvais du moins me montrer à sa hauteur. En outre, je voyais sa sœur et Mme Hadley, ainsi que le jeune pilleur d’huîtres, et le rat de quai moustachu, et tout le monde tenait un verre à la main. Allais-je passer pour une poule mouillée ? Non, mille fois non. Plutôt boire mille verres ! J’ingurgitai comme un homme le gobelet plein jusqu’au bord.

Frank-le-Français était enchanté du marché que je venais de conclure en lui remettant, comme arrhes, une pièce d’or de vingt dollars. Il versa de nouvelles rasades. Je m’étais découvert