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C’est une coutume mentale à laquelle j’ai été entraîné pendant toute ma vie, et qui a fini par s’incorporer à ma substance. J’aime le pétillement des bons mots, les rires énormes, le retentissement des voix d’hommes qui, le verre en main, ont fermé la porte sur la grisaille du monde et se tapent la cervelle pour accélérer leur pouls, leur bonne humeur et leur folie.

Non, c’est une affaire décidée. Je continuerai à boire quand j’en trouverai l’occasion. Devant tous les livres rangés sur les étagères, devant toutes les pensées des hommes accommodées à mon propre tempérament, j’ai pris la résolution froide et bien arrêtée de persister à faire ce qui est devenu un besoin pour moi. Je boirai donc, mais plus savamment, plus discrètement que jamais. Jamais plus je ne serai une conflagration’ ambulante. Jamais plus je n’invoquerai la raison pure. J’ai appris à ne plus l’invoquer.

La raison pure gît maintenant, décemment ensevelie, côte à côte avec la Longue Maladie. Ni l’une ni l’autre ne m’affligeront désormais. Voilà bien des années que j’ai enterré la Longue Maladie ; elle dort bien ; et le sommeil de la raison pure n’est pas moins profond.

Cependant, pour conclure, je peux bien l’avouer, j’aurais bien voulu que mes ancêtres aient banni John Barleycorn avant mon temps. Je regrette que ce personnage ait été partout florissant dans le système social où je suis né ; sans quoi je n’aurais pas fait sa connaissance, et il m’a fallu du temps pour le juger à sa valeur.