Page:London - Le Cabaret de la dernière chance, 1974.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

très mal agi, et tout à fait à l’encontre de ses enseignements. Que pouvais-je dire, moi, qui n’avais jamais droit à la parole, à qui les mots même faisaient défaut pour exprimer mon état d’âme, — comment aurais-je expliqué à ma mère que ses enseignements étaient la cause directe de mon ivresse ? Si elle n’avait pas exposé devant moi ses principes au sujet des yeux noirs et du caractère des Italiens, je n’aurais jamais trempé mes lèvres dans ce vin âpre et amer. Ce ne fut qu’arrivé à l’âge d’homme que je pus lui révéler le fin mot de cette honteuse histoire.

Durant ces jours de maladie, certains points me restaient obscurs, alors que je discernais parfaitement les autres. Je me sentais coupable, et pourtant j’étais victime d’une certaine injustice. J’avais eu tort, c’est vrai, mais ce n’était pas ma faute. Je pris la ferme résolution de ne plus jamais toucher à l’alcool : nul chien enragé n’éprouva plus d’aversion contre l’eau que moi contre le vin.

Et.pourtant, ce que je veux établir, c’est que cette expérience, si terrible qu’elle fût, ne m’a pas empêché de renouer étroitement connaissance avec John Barleycorn. Même à cette époque j’étais soumis par des forces qui me poussaient vers lui. En premier lieu, exception faite de ma mère, qui ne modifia jamais sa manière de voir là-dessus, toutes les grandes personnes me semblaient envisager l’incident avec tolérance, comme une bonne plaisanterie dont il n’y avait pas à rougir. Quant aux garçons et aux filles, ils gloussaient et rigolaient au souvenir du rôle qu’ils avaient joué dans l’affaire ; ils prenaient plaisir à raconter comment Larry