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laboura la terre, construisit des murs de pierre, une maison, et planta des pommiers. Et déjà il est impossible de retrouver l’emplacement de cette demeure, et c’est seulement d’après la configuration du paysage qu’on peut deviner l’endroit où était l’enclos. J’ai pris sa place dans la bataille, j’y ai mis des chèvres angoras pour qu’elles dévorent les broussailles qui ont envahi les champs de Haska et étouffé ses pommiers. Ainsi, à mon tour, je gratte la terre, je fournis mon bref effort, et j’inscris mon nom sur une page de papier timbré ; puis je disparaîtrai et la page jaunira.

— Rêveurs et fantômes, ricane la raison pure.

— Mais, j’en suis sûr, l’effort n’a pas été tout à fait inutile.

— Il était basé sur une illusion et un mensonge.

— Un mensonge nécessaire à la vie.

— Ce n’en est pas moins un mensonge. Allons, remplis ton verre et examinons ces blagues nécessaires à la vie qui garnissent ta bibliothèque. Parlons un peu de William James.

— Un homme sain, celui-là, dis-je. Il ne faut pas lui demander la pierre philosophale, mais il nous fournira quelques points d’attache solides.

— Du rationalisme accouplé au sentimentalisme. Au terme de toute pensée, il reste attaché au sentiment de l’immortalité. Des faits transmués en profession de foi dans l’alambic de l’espérance. La raison produit comme meilleur fruit sa propre dérision. Du sommet le plus élevé de la raison, James nous apprend qu’il faut cesser de raisonner et croire fermement que tout est bien et finira pour le mieux, vieille, très vieille pirouette acrobatique des métaphysiciens