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noueuses, répulsives, horribles. En fait d’apparition, c’en est un spécimen assez misérable. Et il est aussi stupide que difforme.

— Il est trop stupide pour savoir qu’il n’est qu’une apparence, glousse à mes côtés la raison pure. Il est enivré par les sens. Il est l’esclave du songe de la vie. Sa cervelle est farcie de sanctions et d obsessions surnaturelles. Il croit à un monde transcendant, à un sur-monde. Il a écouté les divagations des prophètes, qui lui ont parlé d’un paradis chimérique. Il ressent de vagues affinités spontanées avec l’irréel évoqué par lui-même. Il s’entrevoit dans une pénombre fantastique, titubant à travers des jours et des nuits d’espaces étoiles. À l’abri du moindre doute, il est convaincu que l’univers a été créé pour lui, et que sa destinée est de vivre à jamais dans les royaumes immatériels et supersensuels que lui et ses pareils ont taillé dans l’étoffe de l’apparence illusoire.

« Mais toi, qui as ouvert les livres et qui partages mon effrayante certitude, tu le reconnais pour ce qu’il est, un de tes frères en poussière, une farce cosmique, une inconséquence chimique, un animal habillé surgi du flot hurlant de la bestialité grâce au hasard de deux orteils opposables. En même temps que ton frère, il est celui du gorille et du chimpanzé. Dans ses colères, il se frappe la poitrine et rugit et frémit de férocité irresponsable. Réceptacle de monstrueuses impulsions ataviques, c’est un composé de toutes sortes de fragments d’instincts dispersés et oubliés dans l’abîme. »

Je riposte sans conviction :

— Ça ne l’empêche pas de rêver qu’il est