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et murmures qui me bercent, elle me fait reconnaître l’essaim de créatures éphémères, qui exhalent leur plainte grêle dans l’air un instant troublé.

Sur le chemin du retour, le crépuscule descend, et les bêtes de proie sont en chasse. J’observe cette pitoyable tragédie de la vie qui se nourrit de la vie. Ici, il n’y a pas de moralité. La moralité n’existe que chez l’homme, et c’est lui qui l’a créée, code d’action qui tend vers la vie, et qui est de l’ordre des vérités inférieures. Tout cela encore, je le savais déjà, depuis les jours monotones de ma longue maladie. Ces vérités supérieures étaient celles que j’avais si bien réussi à oublier volontairement ; vérités si profondes que je me refusais à les prendre au sérieux, que je jouais avec elles doucement, très doucement, comme avec des chiens endormis derrière ma conscience, et que je ne tenais pas à éveiller. Je ne faisais que les caresser en ayant soin de les laisser dormir. J’étais pervers, trop pervers, pour les exciter. Mais voici que la raison pure les a éveillés pour moi bon gré mal gré, car elle ne craint aucun des monstres du rêve terrestre.

— Que les docteurs de toutes les écoles me réprouvent ! murmure à mon oreille la raison pure assise en croupe. Et après ? Je suis la vérité. Tu le sais bien, et tu ne peux me combattre. Ils disent que j’œuvre pour la mort. Qu’importé ? La vie ment pour vivre, la vie est un mensonge perpétuel. La vie est une danse sur une grève balayée de flux et de reflux puissants, déchaînés par des leviers plus mystérieux que ceux de notre lune : ces fantômes dont les apparences se transforment et se pénètrent