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elle ne vaut rien pour lui. Pour vivre, pour vivre pleinement, pour palpiter de vie, pour être une créature vivante, — ce qu’il doit être — il est bon que l’homme se trouve ébloui par la vie et illusionné par les sens. Ce qui est bon est vrai. Et tel est le genre de vérité, de vérité inférieure, qu’il doit connaître et prendre pour guide de ses actes, avec la certitude inébranlable que c’est la vérité absolue et que nulle autre ne saurait prévaloir dans l’univers. Il est bon que l’homme accepte à première vue les tromperies des sens et les pièges de la chair, qu’à travers les brouillards de la sensiblerie il poursuive les leurres de la passion, sans en discerner les ombres ni la futilité, sans être terrifié par ses convoitises et ses désirs.

Effectivement, c’est ce qu’il fait. D’innombrables hommes ont entrevu cette autre vérité différente et plus vraie, mais ont reculé devant elle. D’autres, en aussi grand nombre, ont subi la longue maladie, y ont survécu et pourraient en parler, mais ils l’ont délibérément bannie de leur mémoire jusqu’à leur dernier jour. Ils ont vécu : ils ont réalisé la vie, c’est-à-dire leur propre nature, et ils ont bien fait.

Et voici que John Barleycorn s’avance avec la malédiction qu il inflige à l’homme d’imagination, débordant de vie et du désir de vivre. John Barleycorn envoie sa raison pure, blanche messagère d’une vérité située par-delà la vérité, aux antipodes de la vie, d’une vérité cruelle et déserte comme les espaces interstellaires, immobile et glacée comme le zéro absolu, étincelante sous les cristallisations de l’évidence irréfutable et de l’indéniable fait. John Barleycorn refuse de laisser