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notre voyage entre les Nouvelles-Hébrides, les îles Salomon et les atolls qui se trouvent sur la Ligne, sous un ciel de feu, ravagé par cette maladie et d’autres afflictions, telles que la lèpre argentée, dont il est question dans la Bible, j’accomplis la besogne de cinq hommes.

Orienter un bateau à travers les récifs, les bancs de sable et les passes, ou le long des côtes enténébrées des îles de corail, représente déjà un labeur formidable. Et j’étais le seul navigateur à bord. Personne pour me contrôler dans le calcul de mes observations, personne avec qui échanger des avis dans cette obscurité, parmi ce dédale de rochers et de bas-fonds non portés sur les cartes.

Moi seul je faisais le quart. Pas un matelot n’était capable de me relayer. J’exerçais, à la fois, les fonctions de second et de capitaine. Vingt-quatre heures par jour, voilà quelle était la durée de mon quart’, et chaque fois que l’occasion s’en présentait, je piquais de petits sommes. Puis, j’étais docteur. Permettez-moi de vous dire que le travail de médecin à bord du Snark n’était pas une sinécure. Tous les passagers souffraient de la malaria — la véritable malaria, celle des Tropiques qui tue sa victime en trois mois. Ajoutez à cela les ulcères purulents et cette terrible démangeaison surnommée le ngari-ngari, qui rendit fou un cuisinier japonais. L’un de mes matelots polynésiens faillit mourir de la fièvre d’eau noire. Certes, il y avait de quoi occuper un homme. Et je distribuais des potions, je prescrivais des régimes, j’arrachais des dents et… je tirais mes malades de légères indispositions telles que l’empoisonnement du sang.

En outre, j’étais écrivain. Je produisais