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légère broussaille de barbe, était devenu d’un jaune malsain. Mon docteur, sur le point de partir, se tenait à mon chevet et jetait un regard désapprobateur sur la cigarette que je fumais.

— Vous devriez vous arrêter complètement de fumer, dit-il, sentencieux. Le tabac est très mauvais ; vous verrez. Regardez-moi.

Je levai les yeux sur lui. Il avait mon âge environ, de larges épaules, une vaste poitrine, des yeux pétillants et des joues rutilantes de santé. On n’aurait pas pu trouver un plus beau spécimen d’homme !

— J’avais l’habitude de fumer, continua-t-il. Des cigares. Mais j’ai abandonné. Et voyez le résultat.

Il parlait d’un ton arrogant, ou du moins avec une fierté légitime. N’empêche qu’il mourut un mois après. Et ce fut à la suite d’un accident. Il avait suffi d’une demi-douzaine de microbes, pourvus de noms scientifiques interminables, pour l’attaquer et le détruire. Les plus invraisemblables complications s’étaient déclarées et, pendant des jours entiers, tout le quartier entendit les cris atroces de ce magnifique spécimen d’homme. Il mourut en hurlant de douleur.

« — Tu vois, me disait John Barleycorn. Il s’est pourtant surveillé, celui-là. Il est allé jusqu’à s’interdire les cigares. Voilà sa récompense. Fichue guigne, hein ! Les microbes, il n’y a rien à faire pour s’en défendre. Ton superbe docteur a pris toutes les précautions voulues, et pourtant ils ont fini par l’avoir. Lorsque ces petites bêtes se mettent à sauter, impossible de savoir qui elles vont atteindre. Toi, aussi bien. Songe donc