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s’animer par des moyens artificiels que, sans eux, il n’avait plus aucun ressort ni entrain. De plus, l’alcool devint chez moi un besoin impérieux, un viatique indispensable pour me produire dans le monde et y tenir mon rang social. Il me fallait le coup de fouet, la morsure de la drogue, le grouillement des lubies dans mon cerveau, allumé de gaieté, chatouillé de malice, séduit par le sourire factice des choses, avant d’être capable de rejoindre mes amis et de faire bonne figure parmi eux.

En somme, John Barleycorn recommençait avec moi sa lutte sournoise. Il faisait renaître mon ancienne maladie en m’incitant à poursuivre la Vérité, dont il arrachait brusquement les voiles, pour me mettre face à face avec l’affreuse réalité. Mais ces perfidies n’opéraient que graduellement. Mes pensées redevenaient lentement moroses.

Parfois des avertissements traversaient mon esprit : où me conduisait cette habitude de boire ? Mais John Barleycorn se garde bien de répondre directement à de pareilles questions. Il les esquive «en disant : « Allons, viens prendre quelque chose, je te révélerai tout ce que je pense là-dessus. » Et on marche.

Témoin le fait suivant, sur lequel John Barleycorn ne se lasse jamais de me rafraîchir la mémoire.

J’avais été victime d’un accident qui exigeait une intervention des plus délicates. Un matin, une semaine après avoir quitté la table d’opération, j’étais étendu sur mon lit d’hôpital, faible et déprimé. Le haie de mon visage, ou du moins ce qu’on en pouvait entrevoir à travers une