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interminable maladie, je connaissais la douceur de l’amour féminin. Je gagnais plus d’argent avec moins d’effort. Je débordais de santé et dormais comme un bébé. Je continuais d’écrire des livres à succès et, dans mes controverses sociologiques, je voyais mes adversaires confondus par les faits actuels, ce qui renforçait de jour en jour ma position intellectuelle.

Je ne connaissais plus, du matin au soir, aucun ennui, aucune désillusion ni regret. La vie n’était pour moi qu’une joie sans fin, une chanson perpétuelle. J’en ^arrivais à maudire les heures de sommeil car elles empiétaient sur le plaisir dont autrement j’aurais profité !

Tout cela ne m’empêchait pas de boire. Et John Barleycorn, à mon insu, se préparait à me jouer encore un tour de sa façon.

Plus je buvais, plus il me fallait boire pour obtenir le même effet. Quand je quittais îa Vallée de îa Lune pour aller dîner en ville, je ne faisais plus le moindre cas d’un cocktail servi à table ; il ne me faisait aucun effet. Je prenais donc mes précautions avant le repas : c’étaient deux, trois et, si je rencontrais des camarades en route, quatre ou cinq, voire six verres que j’absorbais — leur nombre à présent n’avait plus d’importance.

Une fois, j’étais pressé ; impossible de préparer et d’avaler les quantités voulues. Je fus frappé d’une idée lumineuse : je commandai au barman de me mélanger un double cocktail. Et je renouvelai l’exploit chaque fois que le temps me manquait.

Cette nouvelle façon de boire eut pour résultat de me blaser. Mon esprit s’accoutumait si bien à