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Nous arrivons maintenant au point essentiel. Par quel moyen affronter le jeu des relations mondaines une fois leur mirage disparu ? Avec l’aide de John Barleycorn. Armé d’une inlassable patience, il avait attendu un quart de siècle le moment où je viendrais moi-même lui tendre la main et lui demander de me secourir. Grâce à ma constitution et à ma bonne chance, jusqu’alors ses tours n’avaient eu aucune prise sur moi, mais il lui en restait d’autres dans son sac.

Je découvris qu’un ou plusieurs cocktails me consolaient de la bêtise des gens. Pris avant le dîner, ils me permettaient de rire de bon cœur pour des choses qui depuis longtemps avaient cessé d’être cocasses pour moi. Le cocktail était un coup d’aiguillon, un stimulant pour mon esprit fatigué et blasé. Le coup de fouet qu’il donnait à mon imagination suffisait à me mettre en liesse. Aussitôt me voilà parti à rire, chanter et divaguer avec les boute-en-train, ou à échanger des lieux communs pleins de verve, à l’ineffable joie des médiocres pompeux qui ne connaissaient d’autre genre de conversation.

De compagnon morose, le cocktail me transformait en joyeux drille, mais je m’intoxiquais d’une gaieté factice qui sonnait faux. Cependant elle s’insinuait si pernicieusement que moi, l’ami intime de John Barleycorn, je ne vis même pas où il me conduisait. Je commençais à prendre goût au vin et à la musique. Bientôt, je les réclamerais à cor et à cri.

À cette époque je fus envoyé en Extrême-Orient comme correspondant de guerre d’un journal. Le besoin de me taper un cocktail avant dîner se faisait alors sentir à tel point que j’attendais