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et j’allais y consacrer ce qui me restait de force. Je lançai la prudence à tous les vents, je fonçai avec plus d’ardeur que jamais dans la lutte socialiste, me moquant des directeurs de revues, des éditeurs et de leurs conseils, eux qui pourtant me fournissaient quotidiennement mes cent biftecks.

Avec quelle brutale insouciance je heurtais les idées adverses, sans aucune distinction ! Les radicaux « bien équilibrés » prétendirent à cette époque que mes efforts acharnés, téméraires, insensés et ultra-révolutionnaires avaient retardé de cinq ans la marche du socialisme aux États-Unis. Entre nous je crois pouvoir affirmer, avec le recul des années, que j’ai accéléré le mouvement d’au moins cinq années dans mon pays.

Oui, ce fut le Peuple, et non John Barleycorn, qui m’aida à vaincre ce terrible désespoir. J’entrai en convalescence, et l’amour d’une femme acheva de me guérir. Pendant bien des jours mon pessimisme s’endormit dans une douce torpeur ; plus tard, John Barîeycorn devait de nouveau le réveiller.

Dans l’intervalle j’étudiais la Vérité avec moins d’acharnement. Alors même que mes poings se crispaient sur ses derniers voiles, je m’abstenais de les écarter car je refusais de voir la vérité toute nue, encore une fois. Et je m’efforçais résolument d’effacer le souvenir de cette vision dans mon esprit.

Je connaissais enfin le vrai bonheur. La vie me souriait et je prenais plaisir aux plus petites choses. Je m’interdisais d envisager trop sérieusement les grosses. Je lisais encore des livres, mais l’ardeur de jadis s’en était allée. Aujourd’