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c’était sans doute sous l’influence, tenace encore, d’un passé où je restais des jours et des nuits, le verre à la main, à tenir tête aux camarades.

Mais le plus grave, c’est que John Barleycorn ne m’effrayait plus. J’arrivais à me croire plus fort que lui. Ne me l’étais-je point prouvé, surabondamment, durant toutes ces années de travail et d’études ? Je buvais quand je voulais et pouvais m’abstenir aussi facilement, mais la drogue n’avait plus d’influence sur moi et je n’y prenais pas le moindre goût. Il me plaisait de l’absorber comme au temps de Scotty, du harponneur et des autres pilleurs d’huîtres — uniquement pour accomplir un acte de camaraderie virile.

Les hommes cultivés que je fréquentais, ces aventuriers de l’esprit, buvaient eux aussi. Pourquoi ne les aurais-je pas imités, puisque je n’avais plus rien à redouter de John Barleycorn ? Pendant des années je vécus avec cette mentalité. Parfois je prenais une cuite, mais assez rarement. L’ivresse m’empêchait de travailler, et cela je ne pouvais l’admettre.

Il m’arriva plusieurs fois de me griser durant un séjour de quelques mois que je fis dans l’East End de Londres. Par la force des choses, je dus m’aventurer dans les quartiers les plus sordides, afin de me documenter pour un livre que je composais[1]. Le lendemain je pestais contre moi-même, parce que j’étais incapable de travailler. En pareilles occasions j’étais sur le sentier de l’aventure, et devais immanquablement y rencontrer John Barleycorn.

  1. Le Peuple de l’Abîme.