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tondre les gazons, tailler les haies, enlever les tapis, les battre et les replacer. De plus, je passai le concours de l’administration des postes pour l’emploi de facteur, et arrivai bon premier. Hélas ! il n’y avait aucune place vacante ; je devais attendre. Pour prendre patience, je continuai mes travaux de rencontre, puis j’écrivis, pour gagner dix dollars, un compte rendu d’un voyage de près de 3 000 kilomètres que j’avais accompli en quatre-vint-dix jours dans un canot, en descendant le Yukon. Je ne connaissais pas un traître mot du journalisme, et, cependant, j’étais sûr qu’on me paierait au moins ces dix dollars pour mon article.

Jamais je n’en touchai un cent. Le premier journal de San Francisco à qui j’adressai mon manuscrit ne m’en accusa pas réception. Mais ne me le renvoya pas non plus. Les jours s’écoulaient ; j’étais persuadé que mon ouvrage avait été accepté.

Voici le trait comique de l’affaire. On dit que certains naissent pour être heureux et que le bonheur tombe au hasard sur les autres. La cruelle nécessité me poussa vers la chance, pour ainsi dire, à coups de gourdin. Depuis longtemps j’avais abandonné toute idée de faire carrière dans les lettres. Mon seul but, en composant cet article, était de gagner dix dollars. Mon ambition se bornait là. Cette somme me servirait à vivre tant bien que mal jusqu’au jour où j’aurais trouvé un emploi stable. Si à cette époque il s’était présenté une vacance à la poste, j’aurais sauté dessus.

Mais rien ne vint. Pendant les loisirs que me laissaient mes besognes d’occasion, je m’amusai