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Le plus curieux de l’affaire, c’est que toute cette incubation du désir fut exclusivement cérébrale. Mon corps ne réclamait pas l’alcool. Comme par le passé, la drogue lui répugnait. Jadis, quand je tombais de fatigue après une journée entière passée à décharger du charbon, jamais la pensée de boire ne m’était venue à l’idée. Mais après mon admission à l’Université, lorsque mon cerveau était surmené par l’étude, je m’empressais de m’enivrer.

À la blanchisserie je m’éreintais de nouveau, mais le travail y était quand même moins pénible qu’à l’usine électrique. Toutefois il y avait une différence : tant que je pelletais du charbon, mon cerveau n’était pas encore éveillé ; depuis, il avait découvert le royaume de l’esprit. Il sortait de la somnolence et, plus averti, plus avide de connaître et de produire, il était crucifié par son impuissance.

D’ailleurs, que j’eusse cédé à John Barleycorn comme à Bénicia, ou résisté à son emprise comme à la blanchisserie, l’envie de boire n’en continuait pas moins à germer dans mon cerveau.