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lumière électrique, au cylindrage à vapeur ou sur la planche à repasser.

Les heures étaient longues, l’ouvrage difficile ; pourtant nous étions passés maîtres dans l’art d’éliminer les mouvements inutiles. Je recevais trente dollars par mois, plus la nourriture. C’était une amélioration sensible sur les conditions auxquelles j’avais dû jadis charger du charbon ou travailler à la fabrique de conserves — tout au moins en ce qui concerne la nourriture ; certes, elle ne ruinait pas mon patron (nous mangions à la cuisine) mais elle représentait pour moi une économie de vingt dollars par mois. La force et l’adresse que j’avais développées avec les années me valaient cette augmentation de vingt dollars par mois.

À ce train-là j’étais en droit d’espérer, avant de mourir, un poste de veilleur de nuit pour soixante dollars par mois, ou de policeman, à cent dollars, sans compter les petits profits.

Nous travaillions toute la semaine avec tant d’ardeur que, le samedi soir, mon compagnon et moi ressemblions à de véritables loques humaines. Je me retrouvais une fois de plus à l’état de bête de somme, trimant plus longtemps qu’un cheval, incapable de penser plus que lui, peut-être. Les livres m’étaient interdits désormais. J’en avais apporté une pleine malle, mais je ne parvenais pas à en continuer un jusqu’au bout. Dès que j’essayais de lire, je m’endormais. Et si je réussissais à tenir mes yeux ouverts pendant quelques pages, je ne pouvais pas en reprendre le fil. Je laissai là toutes les études sérieuses, telles que la jurisprudence, l’économie politique et la biologie, pour des lectures plus