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vagues, dont le bruit m’emplissait les oreilles. Oubliant totalement mes études forcenées de dix-neuf heures par jour pendant trois mois consécutifs, je laissai Charley Le Grant transférer mon équipement sur une énorme barque qui servait à la pêche au saumon sur la rivière Colombie. Il y ajouta du charbon de bois, un réchaud, une cafetière et une poêle, du café et de la viande, ainsi qu’une perche pêchée le jour même,

On dut m’aider à descendre l’embarcadère branlant et à entrer dans le bateau ; puis les camarades tendirent le bout-dehors et la vergue jusqu’à ce que la voile soit raide comme une planche. Certains craignaient de tendre la vergue, mais j’insistai, et Charley n’hésita pas. Il me connaissait suffisamment pour savoir que j’étais à même de me conduire en mer tant que j’aurais la force d’ouvrir les yeux. Ils détachèrent et me lancèrent mon amarre. Je mis le gouvernail en place, ma voile se gonfla et, les yeux troubles, j’établis et régularisai la course du bateau tout en leur disant adieu de la main.

La marée descendait, et le terrible jusant, qui luttait en plein contre un vent plus violent encore, battait une mer opiniâtre dans sa résistance. La baie de Suisun, blanche de colère, crachait des paquets de mer. Mais une barque de pêche au saumon est capable de naviguer. Je la poussais en plein dans l’écume, et, par instants, je marmottais tout haut et chantais mon dédain de tous les livres et de toutes les écoles. Les hautes lames emplirent ma barque de trente centimètres, mais je riais en voyant l’eau clapoter autour de moi et, une fois de plus, je clamais