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financières, nous disparûmes du gai tourbillon pendant un certain temps, jusqu’au samedi soir, jour de la paie. Louis et moi nous nous retrouvions dans une pension à chevaux et là, boutonnés jusqu’au col et claquant des dents, nous jouions à l’enchère et au casino en attendant la fin de notre exil.

Nous retournâmes ensuite au Bar National, où nous dépensions le strict nécessaire pour payer notre confort et notre chauffage. Parfois il nous arrivait des catastrophes, comme par exemple ce soir où l’un de nous dut payer deux tournées de suite après une partie de San-Pedro à cinq joueurs. L’enjeu variait entre vingt-cinq et quatre-vingt cents, suivant le nombre des joueurs, qui commandaient des verres à dix cents. Mais nous avions la ressource d’échapper temporairement aux effets désastreux de notre déveine en demandant du crédit au patron. C’était reculer pour mieux sauter, et cela nous entraînait, en fin de compte, à une plus forte dépense que si nous avions payé comptant.

Lorsque je quittai brusquement Oakland, au printemps suivant, pour me lancer sur la route des aventures, je me rappelle que je devais à ce tenancier-là un dollar soixante-dix. Longtemps après, à mon retour, il était parti. Je lui dois toujours cette somme, et s’il lui arrive de lire ces lignes, je désire qu’il sache que je la tiens toujours à sa disposition.

J’ai raconté cette histoire du Bar National pour bien montrer encore une fois comment on est tenté, persuadé ou forcé de recourir à John Barleycorn dans la société telle qu’elle est organisée