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que moi — malgré ma ferme conviction d’en connaître tous les secrets.

Je me vois encore assis avec elle, sur un banc, à la clarté des étoiles. Trente centimètres au moins nous séparaient. Nous étions à peine tournés l’un vers l’autre, nos coudes rapprochés sur le dossier du banc ; une ou deux fois, ils se frôlèrent. Mon bonheur ne connaissait plus de bornes. J’employais pour lui parler les termes les plus doux et les plus choisis, afin de ne pas offenser ses oreilles chastes, je me creusais les méninges pour savoir l’attitude qu’il convenait de prendre. À quoi pouvaient bien s’attendre des jeunes filles assises sur un banc auprès d’un garçon qui s’efforce de découvrir ce qu’est l’amour ? Que voulait-elle de moi, cette Haydée ? Devais-je l’embrasser ? Essayer ? Si elle comptait sur mes avances, que penserait-elle en me voyant impassible ?

Oh, elle était plus rouée que moi —je le sais à présent — cette fille innocente à la jupe courte. Elle avait toujours connu des garçons, et m’encourageait comme toutes les vierges le font. Elle avait retiré ses gants, qu’elle tenait dans une main. Je me souviens comment, en manière de reproche et pour se moquer d’une parole que j’avais dite, elle me donna, avec une certaine hardiesse, un léger coup de ses gants sur la bouche. J’eus l’impression de défaillir de joie. C’était la chose la plus prodigieuse qui me fut advenue jusqu’alors. Je respire encore le parfum subtil qui imprégnait ces gants.

Puis je retombai en proie au doute et à la crainte. Devrais-je emprisonner dans la mienne cette petite main aux gants parfumés ? Oserais-je