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pas reçu une lettre de la maison, et il y a dix ans que je n’y ai remis les pieds. Le prix de la vie est aussi bas en Suède qu’en Norvège, Axel, et mes vieux sont de véritables paysans, des fermiers. Je leur enverrai ma paie, je m’embarquerai sur le même bateau que toi, et on doublera le cap Horn. C’est ça, on en choisira un bon !

Axel Gunderson et John-le-Rouge se mirent à nous dépeindre les joies pastorales et les joyeuses coutumes de leurs pays respectifs. Ils tombèrent amoureux, réciproquement, de leurs patries d’origine, et jurèrent solennellement de faire route ensemble et de passer, toujours de compagnie, six mois chez l’un, en Norvège, et six mois chez l’autre, en Suède. Pendant tout le reste du voyage on put difficilement les séparer, tant ils mettaient de passion à discuter leurs projets.

Jonh-le-Long, lui, n’était pas un sédentaire. Mais il avait soupe du gaillard d’avant. Finis les requins de pensions, disait-il. Il louerait, lui aussi, une chambre chez des gens tranquilles, et suivrait les cours d’une école de navigation pour devenir capitaine.

Et ainsi de suite. Chacun jura que, pour une fois, il se montrerait raisonnable et ne jetterait pas son argent par les fenêtres. On n’entendait plus, sur notre gaillard d’avant, que des exclamations : « Finis les requins de pensions ! Plus de quartiers de matelots ! Plus de boisson ! »

Nous devenions avares. Jamais on n’avait vu une telle ladrerie à bord. Nous refusions d’acheter des vêtements au coffre de friperie. Il fallait faire durer nos hardes, et nous superposions les pièces, les « pièces du retour », comme nous