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tantôt on repêchait leurs cadavres, ou bien ils succombaient à un banal accident, comme le jour où Bill Kelley, pris de boisson, se fit trancher simplement un doigt en déchargeant un bateau, avec la même facilité que s’il y eût laissé la tête tout de suite.

Ces exemples me donnèrent à réfléchir sur ma façon de vivre : je compris que cette mauvaise route me conduirait prématurément à la mort ; et j’avais trop de jeunesse et trop de vitalité pour accepter une semblable perspective.

Un seul moyen me restait pour échapper à cette existence périlleuse : partir en mer. Précisément, une flottille de bateaux pour la pêche aux phoques hivernait dans la baie de San Francisco. Dans les bars je rencontrais des capitaines, des seconds, des chasseurs, des timoniers et des rameurs.

Je consentis à être le rameur d’un certain Pète Holt, chasseur de phoques, et à signer un contrat avec lui sur n’importe quelle goélette. Il me fallut avaler encore une demi-douzaine de consommations en sa compagnie pour sceller notre accord.

Aussitôt s’éveilla en moi l’inquiétude, déjà ancienne, que John Barleycorn avait endormie : je me découvris littéralement blasé de la vie des bars dans le port d’Oakland, et je me demandai ce que j’avais pu y trouver de captivant. Hanté, en outre, par cette conception macabre d’une route de mort que j’avais entrevue, je croyais pressentir qu’un événement funeste se produirait avant mon départ, fixé au cours de janvier. Cela me fit mener une vie prudente. Je buvais beaucoup moins et rentrais plus fréquemment chez