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le fait que j’avais entrevu, pour la première fois, la route homicide où John Barleycorn engage ses disciples. Vision confuse, cependant, et qui comporta deux phases, un peu embrouillées à cette époque. En observant les individus avec qui je m’associais, je découvris que leur genre de vie était plus dangereux que celui des gens ordinaires.

D’abord, John Barleycorn étouffait les principes de morale et poussait au crime. Partout je voyais les hommes accomplir, en état d’ivresse, des actes auxquels ils n’auraient jamais songé à jeun. Et plus encore que de ces actes, je m’effrayais de leur inéluctable châtiment.

Certains de mes compagnons de bar, bons garçons et inoffensifs en temps normal, se transformaient en brutes frénétiques dès qu’ils avaient leur dose.

Un beau jour, la police s’emparait d’eux et on ne les revoyait plus. Parfois j’allais les visiter derrière les barreaux du poste, et je leur faisais mes adieux avant qu’on les emmène de l’autre côté de la baie pour leur faire endosser la livrée de la prison. Invariablement j’entendais la même excuse : Je n’aurais jamais fait ça si je n’avais pas été ivre ! Sous l’influence de John Barleycorn se commettaient des actes épouvantables — qui impressionnaient même une âme d’acier.

La deuxième phase de cette route de mort était réservée aux pochards professionnels, qui s’en allaient les pieds devant à la moindre provocation, dès la première atteinte du mal le plus bénin, auquel tout homme sain aurait aisément résisté. Tantôt on les trouvait morts dans leur lit, sans que personne se soit occupé d’eux ;