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Je n’étais pas plus moi-même qu’un noyé qui continue à se débattre après avoir perdu conscience. Je n’ai conservé aucun souvenir de mes actions, mais je criais « de l’air, de l’air ! » avec une telle insistance que Nelson commença à soupçonner chez moi autre chose que l’intention de me détruire. Il arracha les fragments de verre du châssis de la fenêtre pour me permettre de passer au-dehors la tête et les épaules. Il comprenait en partie la gravité de mon état, et me tenait par la taille pour m’empêcher de sortir davantage. Pendant tout le reste du trajet de retour à Oakland, je restai penché hors de la portière, en me débattant comme un possédé dès qu’il tentait de m’attirer à l’intérieur.

C’est ici qu’intervient mon unique intervalle de véritable lucidité. Mon seul souvenir, depuis ma chute sous les arbres jusqu’à mon réveil dans la soirée du lendemain, est d’avoir la tête passée dans la fenêtre, face au vent du train, criblé et brûlé par des escarbilles, alors que j’aspirais de toutes mes forces. Toute ma volonté était concentrée à pomper dans mes poumons, par des aspirations prolongées, la plus grande quantité d’air dans le moindre temps possible. J’avais à choisir entre cela ou la mort, et je le savais grâce à mon entraînement de nageur et de plongeur. Et malgré l’angoisse intolérable d’un étouffement persistant, pendant ces quelques moments de conscience, je tenais tête au vent et aux cendres, et je respirais pour sauver ma vie.

Quant au reste, je ne me souviens de rien. Je repris connaissance le lendemain soir, dans un garni du front de mer. J’étais seul. On n’avait