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peut seulement connaître la loi des choses —jamais leur signification. Heure dangereuse, pendant laquelle il s’engage d’un pas ferme dans le sentier qui conduit au tombeau.

Tout est net à ses yeux. Toutes ces ascensions illusoires vers l’immortalité ne sont que les terreurs éprouvées par des âmes en proie à l’idée de la mort, et trois fois maudites par leur don d’imagination. Elles ne possèdent pas l’instinct du trépas : il leur manque la volonté de mourir quand l’heure sonne pour elles. Elles s’illusionnent en voulant tricher avec la mort pour gagner un avenir personnel, et abandonnent les autres animaux aux ténèbres du tombeau ou à l’ardeur dévorante du four crématoire. Mais notre homme, à ce moment où il juge froidement les choses, sait que ces âmes-là se leurrent et sont dupes d’elles-mêmes. Le dénouement est le même pour tous, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, pas même cette idée chimérique après laquelle soupirent les âmes faibles : l’immortalité.

Cet ivrogne, bien d’aplomb sur ses deux jambes, n’ignore rien. Il sait qu’il est composé de chair, de vin et de mousse, d’atomes solaires et de poussière terrestre, fragile mécanisme destiné à fonctionner pour un temps, plus ou moins entretenu par des docteurs en théologie et rafistolé par des médecins, pour être, enfin, jeté au dépotoir.

Naturellement, tout cela est une maladie de l’âme, une maladie de la vie. C’est l’amende que doit payer l’homme d’imagination pour son amitié avec John Barleycorn. Celle qui s’impose à l’homme stupide est plus simple, plus commode.