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coordination, mes jambes se dérobaient sous moi, ma tête chavirait, mon cœur battait à se rompre, mes poumons réclamaient de l’air à tout prix.

Je sentais venir rapidement l’impuissance totale. Ma cervelle vacillante m’avertit que j’allais tomber et perdre conscience, que je n’atteindrais jamais le train si je restais à l’arrière de la procession. Je quittai les rangs et m’élançai dans un sentier latéral, sous de grands arbres. Nelson me poursuivit en riant. Certains détails ressortent comme des souvenirs de cauchemar. Je me rappelle nettement ces arbres qui abritaient ma course désespérée, et les éclats de rire que mes chutes réitérées arrachaient aux autres pochards. Ils me croyaient simplement en gaîté, sans se douter que John Barleycorn me serrait la gorge d’une étreinte mortelle. Moi qui savais à quoi m’en tenir, je me souviens de l’amertume passagère dont je fus envahi en comprenant que j’étais en lutte contre la mort, et que ces gens-là ne s’en apercevaient pas. J’étais dans la situation d’un baigneur en train de se noyer devant une foule de spectateurs convaincus qu’il fait des grimaces pour les amuser.

Et là, en courant sous les arbres, je m’effondrai et perdis connaissance. Ce qui se passa ensuite, à l’exception d’une minute de lucidité, je ne l’ai su que par ouï-dire. Nelson, avec sa force herculéenne, me ramassa et me traîna à bord du train. À peine assis dans le compartiment, je me débattis et haletai d’une façon si effroyable qu’en dépit de son esprit obtus, il comprit enfin que j’étais mal en point. Pour moi, je sais parfaitement que j’aurais pu trépasser là d’un instant à