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du comptoir. Nous repoussâmes les tenanciers malgré leurs protestations, pour taper dans le tas de bouteilles.

Dehors, nous brisions les goulots contre la bordure des trottoirs, et nous buvions. Or, Joe l’Oie et Nelson avaient appris à se montrer prudents quand il s’agit de ne boire que du whisky pur, et en abondance. Moi pas. Je restais toujours sous la fausse impression qu’on devait boire le plus possible — surtout quand cela ne coûtait rien.

Nous partagions nos bouteilles avec les autres, nous en buvions une bonne partie nous-mêmes, et c’est moi qui en absorbais le plus. Je n’en aimais pas mieux la drogue. Je la buvais comme j’avais bu de la bière à cinq ans, et du vin à sept. Je refoulais mes nausées et j’engloutissais tout cela comme des médicaments. Quand nous désirions de nouvelles bouteilles, nous entrions dans d’autres bars, où l’alcool gratuit coulait à flots, et nous nous servions.

Je n’ai pas la moindre idée de la quantité d’alcool que j’ingurgitai —j’ignore si ce fut deux ou cinq litres. Mais ce que je sais, c’est qu’au commencement de cette orgie je pris des verres d’une demi-pinte, sans une goutte d’eau pour chasser le goût ou diluer le whisky.

Or, les politiciens étaient trop avisés pour laisser la ville infestée de pochards du port d’Oakland. À l’heure du train, on fit le tour des bars. Déjà, je sentais l’effet du whisky. Nelson et moi, nous fûmes vidés d’un cabaret et nous nous retrouvâmes au dernier rang d’une troupe en débandade. Je faisais des efforts héroïques pour suivre, mes mouvements perdaient leur