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confus à mesure que mon esprit et mon corps s’imbibaient. L’agitation de jadis s’assoupissait. Je pouvais mourir et pourrir à Oakland aussi bien qu’ailleurs. Et ça dans pas longtemps, au train où me poussait John Barleycorn, si la chose avait entièrement dépendu de lui. J’apprenais ce que c’est que de manquer d’appétit, de se lever le matin avec la tremblote, des crampes d’estomac, un commencement de paralysie dans les doigts, et le besoin urgent d’un bon verre de whisky pur qui vous remette le cœur en place. (Oh ! John Barleycorn verse la drogue avec magie. Les cerveaux et les corps brûlés, désaccordés et intoxiqués, reviennent se faire remonter par le poison même qui a causé leur ruine.)

Le sac à malice de John Barleycorn n’a pas de fond. Il avait déjà tenté, par ses enjôlements, de m’entraîner au suicide. À présent, il faisait de son mieux pour me détruire à brève échéance. Non satisfait encore, il usa d’une nouvelle fourberie. Il faillit m’avoir, mais ici j’appris à le connaître davantage : je devins un buveur plus sage et plus consommé. Je compris qu’il y avait des limites à ma splendide constitution, alors qu’il n’en existait pas à la puissance de John Barleycorn. Une ou deux petites heures lui suffisaient pour venir à bout de ma forte tête, de mes larges épaules et de ma vaste poitrine, pour me mettre sur le dos, me serrer la gorge avec sa poigne de démon, et me faire rendre l’âme.

Nelson et moi étions assis, un jour, à l’Ovër-land House. C’était au début de la soirée. Nous étions venus là seulement parce que nous nous trouvions sans le sou, et que les élections battaient leur plein. Or, à la période électorale, les